Manifeste du saumon sauvage

Mon contact m’avait donné rendez-vous dans un appartement de Saint-Etienne. Un appartement marqué par un joyeux désordre d’enfants, que je surprenais juste après le déjeuner — ce devait être 14h00 ou quelque chose comme ça.

J’avais alors le projet de descendre en canoë un long fleuve dans le Grand Nord canadien et j’étais venu en discuter avec un militant écologiste, responsable de projet dans une association bien connue de protection de l’environnement. L’homme était ouvert, affable, passionné de rivières et nous avons dérivé au fil d’une conversation qui aborda, dans un méandre, la question de l’avenir du saumon sauvage.

L’homme se leva soudain, saisit une affiche roulée sur un bureau dans la pièce d’à côté puis revint et l’étendit sur la table, après en avoir chassé deux ou trois miettes de pain. « Des saumons sauvages, il y en a en France aussi et nous bataillons pour l’enlèvement du barrage de Poutès-Monistrol sur le Haut Allier, qui fait obstacle à l’accès des saumons aux frayères… »

L’affiche était bleue, un saumon y trônait en bonne place et le barrage se bagarrait avec des éoliennes… Barrage contre éoliennes, avec la libre circulation des saumons à la clef.

Bien sûr, il s’agissait d’un combat militant, mené dans la plus parfaite légalité, fondé sur la concertation, le dialogue, le conflit régulé entre des associations locales et nationales, des élus et des acteurs économiques.

Nul besoin d’en savoir davantage pour lancer l’imagination sur des voies étroites et hasardeuses, avec pour ressort le doute : ce barrage sera-t-il effacé un jour, oui ou non ? J’ai trouvé, afin d’ouvrir les paris, qu’imaginer un scénario romanesque était le bon moyen de poursuivre cette histoire et de lui donner une issue positive en empruntant cependant des moyens peu recommandables.