Betty D.

Sabine Wespieser Éditeur

20,00
Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
30 août 2017

Grâce et dénuement

Exploration de l'intériorité, de l'intimité du corps lorsque la révolte gronde et le désir grandit. Le désir d'être soi-même, de fuir les mensonges et les faux-semblants, d'affronter ses propres peurs, sa propre intériorité, de se confronter aux regards des autres, aimants ou fuyants. Avec douceur et finesse, Léonor de Récondo révèle le cheminement radical, complexe et bouleversant d'un homme, Laurent, transformé progressivement en femme, Lauren. Magnifique prose littéraire pour aborder un sujet difficile car tabou et abandonné plus souvent aux silences. L'identité de Laurent est désormais dans les actes et la parole libérée. Il faut du courage pour s'accepter et vivre sa pleine détermination.

Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
3 août 2017

Frivolité et tragédie

Quel plaisir de lecture! Drôle et savoureux comme une mignardise exquise, loufoque et parfois absurde parce que tout est dingue et sens dessus dessous en cette journée mémorable du 22 mai 1968! Le prix Roger Nimier doit être remis à un tout jeune auteur inconnu, Patrick Modiano, par la célèbre milliardaire Florence Gould et sa cour de romanciers fidèles membres du jury éponyme. La journée est exceptionnelle à tout point de vue: l'hôtel Meurice où doit se dérouler le déjeuner est passé en mode d'auto-gestion, son directeur mis au placard, l'ocelot de Salvador Dalí est en fuite dans les couloirs de l'hôtel, les barricades sont dressées rive gauche, Paris est à la fois désertée et en ébullition. Pauline Dreyfus a ce talent singulier de révéler quelque fait historique oublié ou méconnu voire passé sous silence pour y déceler secrets et contradictions propres à chacun. La lecture jubilatoire n'occulte pas pour autant la dimension sociale et révoltée sous-jacente au cœur de l'hôtel luxueux et les multiples contradictions qui en découlent aussi bien personnelles que collectives.

Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
1 août 2017

Une possible vérité, le roman de la déchirure

Ce roman pourrait aussi être un film, jamais tourné, ébauché, jamais terminé. Une plaie non refermée, ouverte à jamais, animée de colère et de vengeance ressassée. Une peine immense, lourde et ouverte, de non-dits, de culpabilité et de remords. Et toujours la colère gronde et couvre tout. Le narrateur a survécu, il est le survivant, adulte empli de colère, de honte et de silences. Il est celui qui ne devrait pas être, le « tiot », le petit frère apeuré d'amour pour son frère, fier et admiratif. Époustouflé par la mine, par les mineurs, par leur labeur, par leur abnégation mêlée d'orgueil. Il est celui qui reste, orphelin de tous, orphelin de lui-même comme rejeté. La souffrance est immense, ambivalente et dans cette ambivalence le roman se déploie, la force narrative de Sorj Chalandon s'accomplit avec rigueur, magistrale et organisée, comme dans un procès. Implacable. Le roman est le procès en instance, réclamant jugement et vérité, souhaitant compléter le premier procès à peine entamé, vite balayé puis traîné en longueur, inutilement. Ce roman est un cri, une alarme de plus tirée par Sorj Chalandon pour évoquer les disparus, les oubliés de l'Histoire, les oubliés des tragédies, les oubliés des guerres, des infamies et des maltraitances, les oubliés tout court. Lumière et projecteurs sur le tribunal de Saint-Omer en 2017 après les longs travellings en 1974 dans les rues noires et embrumées d'une petite ville minière du nord où l'absence résidait et présidait déjà : le réquisitoire sublime de l'avocat général est un morceau littéraire inoubliable, glaçant dans sa dureté et sa franchise. "Le Jour d'avant" est le roman d'un individu profondément seul, convaincu de sa vérité contre la société, son combat de toute une vie. C'est aussi le roman d'une possible reconstruction psychique essentielle.

Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
1 août 2017

Solitudes urbaines

Gordana est caissière dans un supermarché parisien, immuable, vissée sur son tabouret, laborieuse, taiseuse, invisible et pourtant si présente et si humaine. La narratrice l'observe minutieusement, attentivement, deux fois par semaine sans déroger au principe d'attente, au rituel des courses, à la fréquentation de la même caisse. Précisément parce qu'il y a Gordana et qu'elle peut lui inventer, lui imputer des vies multiples, une famille éloignée, des amours délaissées, des rêves abandonnés, casés dans un coin comme oubliés. Elle se nourrit de sa solitude, de sa vie imaginée, se plaît à évoquer sa solitude propre, autre, singulière, à convoquer les siens, ses proches dans un temps et dans un lieu autre, moins anonyme, peut-être plus rural où les liens sociaux et familiaux étaient moins étirés, moins distendus. Le ton emprunté n'est pas nostalgique, plutôt sociologique, fait d'une analyse scrupuleuse et bienveillante. Elle observe, scrute, invente ce qui n'est pas perceptible à l'œil nu mais plausible. Comme une voyeuse habituée à observer, à regarder par en dessous pour voir ce qui s'y déroule, elle accède aussi à sa propre nudité, se laisse aller à ses souvenirs, à son amour inoubliable et perdu. Elle tisse ce réseau de vies intimes entrelacées, ces solitudes noyées de chagrin, ces solitudes profondément humaines presque normales si l'on n'y prête pas attention. Et Marie-Hélène Lafon a ce talent exceptionnel et singulier de prêter plume, style et attention aux petites gens, aux petits riens qui nous fondent, au labeur intransigeant autant que la vie l'est, rugueuse et intransigeante. Gordana est l'une d'elles, invisible et mystérieuse portant pourtant tout son poids de vie, de secrets, de joies et de désappointements. Elle est comme était "Joseph" (2014, éditions Buchet-Chastel), ouvrier agricole, habité par son labeur, sa force de travail louée et ses démons intérieurs. Discrète comme lui, rigoureuse et méthodique à l'instar de celle qui l'observe, laconique, refusant presque de créer tout lien affectif et émotionnel avec ses clients habitués et habituels, elle suscite pourtant la curiosité, l'empathie, le désir d'en savoir davantage, de confronter l'imagination à la réalité perçue. Le récit - les récits devrions-nous dire- sont précieux et la langue précise. Ces solitudes urbaines ou rurales sont magnifiées par la prose de Marie-Hélène Lafon. Lire ses romans participe d'un enchantement assez rare, cela autorise la rencontre et le partage au sens très large des termes, avant tout littéraires.

Conseillé par (Librairie La Buissonnière)
27 mai 2017

Sublimation

Ce roman concis et fulgurant célèbre le rapport fantasmé de l'homme à la voiture, plus généralement la sienne, de façon sexuée et organique. Imaginez une voiture qui réponde exactement à vos souhaits, les anticipe et vous surprotège. Elle est élégante, douce, docile presque humaine puisque entièrement composée de matière organique. Qui de l'homme ou de la voiture présentera les attributs les plus monstrueux? L'homme a ainsi créé la voiture à son image sublimant une sensation de pouvoir infini et une domination absolue sur le monde. Attention, ce roman est addictif!