• Conseillé par (Les Lisières à Villeneuve d'Ascq)
    26 octobre 2013

    Université de Rebibbia

    « De cette planète [la prison], tout le monde pense tout savoir sans y avoir jamais été, exactement comme pour la lune. Parce que celui à qui il a été donné d'y aller, aussitôt dehors en a honte et se tait là-dessus où, s'il n'en a pas honte, s'obstine à considérer cela comme une mésaventure à oublier. »

    Née dans une famille socialiste/anarchiste, Goliarda Sapienza a bénéficié d'une éducation originale, à l'écart des sentiers battus de l'école. Initiée très tôt aux grands textes philosophiques, littéraires et révolutionnaires, elle s'est rapidement passionnée pour le théâtre. Pendant la guerre, elle obtient une bourse pour étudier à l'école d'art dramatique de Rome. Mais en 1943 l'occupation allemande lui fait abandonner ses études : elle entre dans la résistance antifasciste.
    Les années cinquante sont une période noire pour elle, souffrant psychologiquement, elle décide de se consacrer à l'écriture. Et pendant près de dix ans, elle travaille sur le monumental manuscrit de L'Art de la joie. Les périodes d'écriture sont entrecoupées de graves crises existentielles : séjour en hôpital psychiatrique, tentatives de suicide... Alors qu'en 1976, le manuscrit est enfin achevé, Goliarda doit faire face aux refus de tous les éditeurs à qui elle soumet son texte. En 1980, après une terrible crise, elle est arrêtée pour avoir dérobé des bijoux chez une amie...
    C'est au court séjour qu'elle fit dans la prison pour femmes de Rebibbia que l'on doit ce magnifique texte : L'Université de Rebibbia ! Goliarda, l'intellectuelle mûre, l'érudite, la passionnée, profondément ébranlée dans ses convictions, côtoient les voleuses, les prostituées, les junkies, les révolutionnaires... La lie de la société, les laissées pour compte... On rencontre, dans cette « université de la vie » des jeunes paumées, des femmes qui se sentent plus à leur place dans cette étrange communauté que seules « dehors », des prisonnières politique, des trafiquantes d'envergure internationale... C'est une véritable société parallèle qui hante les couloirs et les cellules de Rebibbia. Goliarda apprend les rites, les coutumes, les règles tacites, le comportement à adopter dans telle ou telle situation ; l'apprentissage est complexe mais, à terme, c'est le sentiment d'appartenance qui survient. La sensation d'avoir trouvé une seconde famille, un soutien incomparable.
    En toute sincérité et simplicité, sans épanchement pathétique, la formidable écrivaine italienne relate cette expérience fondamentale de sa vie, elle raconte la femme qu'elle était, celle qu'elle est devenue, elle parle de toutes celles qu'elle a rencontrées, dans une langue qui glisse et qui s'insinue jusqu'au plus profond de nous...