L'écriture et la vie

Laurence Tardieu

Busclats

  • Conseillé par
    28 avril 2014

    Parce que depuis vingt et un mois, Laurence Tardieu n'arrive plus à écrire, elle décide de livrer ses impressions, sa quête et son cheminement d'auteur dans ce journal. Elle revient sur ses précédents ouvrages. "Après avoir écrit Rêve d'amour, j'ai compris que je ne pourrais plus jamais écrire comme avant : j'ai compris qu'écrire, ce n'était pas " raconter des histoires". En tout cas ce n'est plus ce que je voulais faire. Ça ne m'intéressait plus. La vie d'ailleurs n'est pas une histoire. Elle n'est pas un fil que l'on déroule avec un début, un milieu, une fin.(...) Mes lectures elles aussi ont changé : j'ai cherché celles qui, désormais, m'indiqueraient un chemin. J'ai découvert Annie Ernaux." Dans son dernier livre, La confusion des peines, elle revenait sur la condamnation de son père, le décès de sa mère, les mensonges durant plusieurs années. Un livre intimiste qui lui a permis de passer "du statut de fille à celui de femme".

    Celle pour qui "l'écriture est sa colonne vertébrale" cherche à travers ce journal à retrouver le sens des mots avec l'obsession du vrai. Il y a aussi la peur de ne pas y arriver mais également sa vision de l'écriture comme la précision du langage mais aussi "le bonheur d'être dans les mots". "C'est depuis Un temps fou que j'envisage chacun de mes livres comme un travail équivalent à celui d'un plasticien, un travail de composition, mon matériau étant celui des mots et du silence, mots et silence qui par leur frottement forment des sons, ces sons devenant eux aussi matériau, tout le travail d'écriture consistant à pétrir cette matière, dans un mouvement, un autre, un autre encore, la pétrir jusqu'à faire apparaître quelque chose. Apparaître voulant dire alors : faire exister. Que, par ce long et lent malaxage, les mots deviennent vie. L'auteur sait à quel moment, soudain, dans le travail, quelque chose existe. Quel bonheur, alors, quel bonheur profond."

    Je pourrais citer le livre en entier car chaque mot résonne. Et quand elle parle de ce que l'écriture lui apporte, en remplaçant le mot "écriture" par "livres", j'y ai retrouvé mes sensations de lectrice et cet enivrement, cette extase induit par les lectures.

    Et il y a cette phrase terriblement belle "Grâce à ce texte, je suis est passée d'une forme de mort à une vie nouvelle" alors nous ne pouvons que la remercier et lui dire nous vous attendons Laurence.

    Plus qu'un coup de cœur (mais vous vous en doutiez) !


  • 3 mars 2014

    Ma première rencontre avec Laurence Tardieu. Cette volonté tout à coup, essentielle, de découvrir tout ce qu'elle a publié à ce jour. Lire en parallèle sa dernière publication "L'Ecriture et la vie", publié aux éditions des Busclats.
    Ce texte bref porte à la lumière toutes les interrogations de l'auteur sur son rapport à l'écriture. Depuis la publication de son dernier livre "La Confusion des peines" , Laurence Tardieu ne parvient plus à écrire: les mots sont des coquilles vides.
    Deux ans d'absence, de repli avec pour remède les lectures d'Annie Ernaux, Virginia Woolf, Agota Kristof, Charles Juliet et Modiano... parmi tant d'autres.
    C'est un journal intime extirpé du silence, publié grâce à la complicité de Jean-Marc Roberts, son éditeur, qui lui souffle le titre.

    Laurence Tardieu s'interroge vivement sur sa paralysie littéraire et revient sur chacune de ses publications. Elle nous confie sa saison en enfer depuis "La Confusion des peines", texte qui retrace la disparition de sa mère et la condamnation de son père pour des affaires fallacieuses. Ce père qui porte des mots très durs sur ce livre, publié pour des raisons pécuniaires, à son sens. Figé, l'auteur. Silence.
    La préface de Jean-Marc Roberts d'une grande élégance souligne la beauté du propos dans ce mince journal. L'évocation du désir comme la source de l'écriture est analysée pour chacun de ses textes: d'une histoire mise en scène dans Puisque rien ne dure, une volonté essentielle de livrer une histoire simplement, puis peu à peu au fil des textes ce désir de renouer avec soi, tendre vers l'autobiographie. Ce genre où l'auteur est partout, au dehors et en dedans du livre. "La Confusion des peines" :récit rétrospectif de trop? Peut-être... l'auteur s'interroge.
    Les paroles des lecteurs feront écho à ce malaise. La situation narrative induite par l'attitude autobiographique impose le passé comme temps dominant. Désormais, l'auteur se tourne davantage sur le temps présent: une narration contemporaine, une description plus objective. Voilà ce à quoi aspire l'auteur.
    Une jolie quête lumineuse des mots qui m'invite encore plus ardemment à lire les autres textes de Laurence Tardieu et ses futures publications, je l'espère. Une plume libre, légère, sobre et envoûtante dans Puisque rien ne dure, beaucoup de délicatesse dans la narration.
    L'auteur fait preuve d'une grande générosité en nous livrant sa réflexion sur l'écriture. Une marche délicate vers la légèreté des mots.