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8 mars 2014

Pour redécouvrir, de belle manière, une histoire que nous croyons connaître

Joseph Lambert nous raconte certes une histoire que nous connaissons, mais il la raconte de telle manière qu’on la redécouvre en la vivant de l’intérieur et il l’éclaire de telle sorte qu’on s’aperçoit (enfin, en ce qui me concerne) qu’elle est bien plus riche et complexe que celle figée dans nos souvenirs. Quant au graphisme, s’il ne m’attirait pas de prime abord, je l’ai adopté une fois dans le récit, parce qu’il est expressif et que, ici, c’est l’expressivité qui prime. Alors, oui, la fin de l’album a bien failli me gâcher l’affaire, parce que j’étais frustrée que ça s’arrête là, comme ça, d’un seul coup et en plus après des pages et des pages sur l’affaire, qui fit grand bruit, du conte (« Le Roi Givre ») inventé ou pas par Helen Keller. Mais j’ai cessé de renâcler , après avoir dévoré les trois pages de Notes qui viennent approfondir certains aspects du récit et notamment celui-ci, qui méritait effectivement que le narrateur s’y attarde car il occupe une place importante dans le parcours d’Helen.

Avec « Annie Sullivan et Helen Keller », ce que signifie être sourde et aveugle et la difficulté qu’a eue Annie Sullivan à franchir cette barrière de géant est mis en images magistralement : c’est par le biais d’un de nos sens, la vue, que nous percevons physiquement ce que pouvait ressentir Helen. L’album met aussi en lumière la personnalité d’Annie Sullivan, forte et marquée par les années qu’elle a vécues, avec son plus jeune frère, dans un hospice insalubre.
Une lecture passionnante et qui m’a beaucoup touchée.

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5 octobre 2013

« Maître de la matière » commence en mode roman d’apprentissage, avec l’évocation de la jeunesse d’Hiroshi, puis se poursuit en roman de campus. Tout ce premier volet, soit la moitié du roman, se laisse lire agréablement. On ne piaffe pas trop en attendant de découvrir le cœur du récit, à savoir l’idée à laquelle Hiroshi veut donner corps pour réaliser son projet d’enfance.

Dans la seconde partie (ma préférée), le rythme s’accélère, on bascule dans la SF avec une histoire beaucoup plus mouvementée, du suspense et quelques épisodes ou scènes spectaculaires. La réflexion sur ce que seraient nos vies si nous pouvions tout avoir n’est qu’esquissée, mais les développements dans des domaines connexes (ou pas) sont fascinants et/ou très bien trouvés (et je n’avais pas tout vu venir, même si j’avais pressenti certaines choses).

« Maître de la matière » m’est d’abord apparu comme un roman mixte, pour moitié Lévy-Musso et pour moitié Crichton (façon « La proie »), mais cette impression (caricaturale ?) s’est dissipée plus j’avançais dans le roman : une fois les jalons posés, il monte en effet progressivement en puissance pour aboutir à un final très cinématographique et se clore sur une dernière scène parfaite, tant dans l’émotion qu’elle dégage que dans son rapport au récit.
Un roman où le plaisir de lecture a été, de bout en bout, au rendez-vous.

Les Fiancés de l'hiver

1

Gallimard Jeunesse

19,90
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3 octobre 2013

« Les fiancés de l’hiver » est un roman que j’ai dévoré, un de ces livres qui vous rappellent l’origine de votre goût pour la lecture : le plaisir de se laisser emporter dans une histoire prenante et surprenante, narrée par une conteuse dotée d’une belle imagination et d’un réel talent d’écriture.
Pour vous convaincre de vous lancer à votre tour, je pourrais vous affirmer que les personnages sonnent vrai (Ophélie en premier lieu, héroïne atypique qui plus est), les situations tout autant (dans le registre du fantastique, s’entend). Je pourrais vous proposer un assortiment de tout ce que j’ai aimé dans ce livre (j’ouvrirais une parenthèse pour énumérer des exemples en forme d’images évocatrices directement extraites des pages). Mais pourquoi ne pas éviter de trop vous en dire et vous laisser le bonheur de découvrir, à votre tour, les diverses facettes du monde qu’a fait naître Christelle Dabos ?

Ouvrez le livre, commencez-le et si, comme je l’espère, vous accrochez, vous allez avoir du mal à le refermer !

Christian Bourgois

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3 octobre 2013

Dans une écriture limpide, qui va droit aux êtres et aux choses, Kathleen Winter conte une histoire attachante, dont Wayne est le protagoniste principal mais où d’autres figures se distinguent : sa mère, Jacinta, élevée en ville et vivant maintenant dans un village d’à peine plus de 200 âmes ; son père, Treadway, homme bon mais taiseux, épris de cette solitude et de cet espace qu’il trouve pendant ses longues périodes de chasse ; Thomasina, personnalité atypique, qui partage leur secret car elle était présente à l’accouchement ; Wally, l’amie de Wayne, qui vit pour la musique et le chant.
Chez Wayne, Jacinta aperçoit la petite fille qu’elle désirait alors que Treadway redoute de la discerner, mais tous les deux se rejoignent dans leur volonté d’éviter à leur enfant le regard impitoyable des autres, incapables de s’adapter à ce qui les dérange.

Roman d’apprentissage hors normes, « Annabel » pose avec délicatesse, au travers d’un cas très particulier, la question de la différenciation sexuelle en général (qu’est-ce qui fait de nous un homme ou une femme … si tant est que cette distinction soit réellement pertinente ?) . Une œuvre d’un réalisme parfois cruel, forte et belle.

Une enquête de l'inspecteur hermann preiss

Actes Sud

22,80
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28 mai 2013

Un roman policier historique enlevé !

En 1868, à Munich, le célèbre compositeur et chef d’orchestre Richard Wagner monte le dernier de ses opéras, « Les Maîtres chanteurs de Nuremberg ». Mais alors que les répétitions battent leur plein, il reçoit une mystérieuse lettre anonyme, lui annonçant que le 21 juin, date de la première, « sera le jour de [sa] ruine ».
L’inspecteur Herman Preiss est chargé de l’affaire. Celle-ci prend rapidement très mauvaise tournure, puisque une série de meurtres est commise dans l’entourage de Wagner…

Voilà un polar historique plaisant (certes il y a des meurtres, mais jamais rien de gore), dont le rythme enlevé tient sans doute à l’importance donnée aux dialogues. Ils sont rapportés par le narrateur, l’inspecteur Preiss, lequel nous fait aussi part de ses réflexions au fur et à mesure de l’avancée des événements et de l’enquête concomitante. L’évocation des lieux et du contexte représente seulement une toile de fond, tracée à grands traits. Il n’empêche qu’on approche le tempétueux Wagner et le découvrir menant ses musiciens et les interprètes de son opéra à la baguette (pas pu résister !), vaut le détour : j’avais entendu parler de son caractère volcanique, mais là, on se rend compte de ce que son comportement exigeant pouvait avoir d’odieusement tyrannique et si on y ajoute son antisémitisme notoire, on comprend que l’homme n’attirait pas forcément la sympathie. Le microcosme familial et artistique environnant le compositeur est efficacement restitué et le lecteur apprécie de s’y trouver plongé, autant que le mélomane inspecteur Preiss, dont c’est la deuxième enquête dans le milieu musicien de l’époque (je n’ai pas lu la première mais elle est indépendante de celle-ci et les rappels sont suffisants pour qu’on n’ait pas d’impression d’avoir raté un épisode).
Preiss lui-même fait preuve dans sa narration d’un certain humour pince sans rire, fort à mon goût. Il n’hésite pas non plus (démarche qui ne m’a paru guère professionnelle mais ça passe, il ne faut pas se la jouer trop puriste sur cette enquête) à demander à la belle violoncelliste Helena Becker de l’aider dans ses investigations. Sa relation avec la dame en question, piquante, n’est d’ailleurs pas un des moindres attraits du récit.
Un bon moment !